mercredi 16 juillet 2014

Runaway train

Le hasard, ce farceur...

A la suite de quelques lectures, j'ai appris qu'un train relie la frontiere sud-ouest de la Tanzanie et sa capitale economique: Dar Es Salaam. La ligne commence en fait en Zambie, a Kapiri Mposhi exactement, a 1 500 km de la. Depuis le debut des annees 70 et apres des travaux realises (et finances) par la chine, ce corridor ferroviaire traverse la savane et les plateaux interieurs a une vitesse relativement basse. (Attention euphemisme)

Il etait dit que le voyage entier pouvait prendre de 2 (meilleurs des cas, hautement improbabale) a 5 jours (pire des cas, quasiment systematique). Il n'en fallait pas plus pour exciter ma curiosite et m'exercer au journalisme ferroviaire: temoigner.

Je dus toutefois renoncer puisque mon arrivee au point de depart devait surement etre posterieure a l'heure de depart du train. A moins qu'une panne ou qu'un petit retard joue en ma faveur.

Me voici donc a Mbeya apres avoir quitte le Malawi et son lac magique. Je retrouve la un couple de grecs rencontres plus tot (nous voyageons au meme ryhtme depuis 1 mois et nous nous croisons regulirement) et ils partagent le meme projet que moi. En gare pour enqueter sur l'heure de depart!

Jour J: bonne nouvelle, un train doit arriver. Mais premier couac, la greve en Zambie menace d'annulation notre train en provenance de Kapiri et a destination de Dar. La direction de la Tazara (Tanzania Zambia Raiway Authority) a un plan B: ils pourraient reutiliser le train en sens inverse pour le faire repartir illico vers Dar...Rendez-vous a 16h pour les nouvelles. A 14h30, la nouvelle tombe, le train va finalement quitter la Zambie et il est attendu demain a 11h30.

Jour J+1: retour a la gare de Mbeya apres un trajet endiable en Rickshaw (le taxi-moto aux trois roues, vous vous rappelez?). Deuxieme couac, le retard se creuse: notre train n'est finalement annonce qu'a 16h30...Puis 19h30! 

Mais soudain, j'apercois un homme arriver en moto aux alentours de 19h, il gare son vehicule, chausse ses lunettes et lit le courrier sans oter son casque. Je parie que c'est le chef de gare. Je vais lui parler dans un souci de construire les premieres bases d'un partenariat ferroviaire Tanzanie - France. Je confie au patron que je fus moi-meme en d'autres temps chef de gare et qu'il me plairait de visiter le poste de commande. Ce dernier, ravi de pouvoir jeter les premieres bases d'un partenariat touristique entre un jeune curieux et le representant du chemin de fer Tanzanien, il m'emmene dans les entrailles du batiment et me voici penetrant dans le coeur du systeme ou contre toute attente, une femme (plongee dans des calculs de vitesse savants afin de positionner les points de coisements de la voie unique) est aux commandes. Sacree lecon. 

Je suis neanmoins rassure sur une chose, l'itineraire de mon train est trace sur la table de controle-commande et c'est une tres bonne chose. Ce dernier entre en gare a 20h sous les applaudissements hilares de la salle des pas perdus, bondee pour l'occasion. Apres quelques manoeuvres rapides (!), nous quittons la gare a 23h30 dans un fracas de metal et bondissants sur nos banquettes de 1ere classe, abrites dans un train fatigue, rouille mais vaillant et plein de courage.

Jour J+2: La vie a bord s'organise, le petit dejeuner est servi au Lounge Bar garni de canapes creves et d'un bar moribond ou les Tanzaniens viennent ouvrir les yeux aux premieres lueurs d'un jour couvert. Le spectacle a l'exterieur est fantastique. Les collines du plateau se succedent a un rythme tres lent laissant le loisir de compter les taches des leopards si seulement ils s'etaient montres. 

3eme couac, a 12h en gare de Kata (!) la locomotive est declaree inapte pour raisons d'insuffisance de freins. Et la question des freins pour la suite du parcours est cruciale car nous nous preparons a quitter les plateux pour fondre sur la plaine.
Tazara envoie donc d'apres notre serveur de dejeuners une locomotive de rechange depuis Mbeya. Celle-ci arrive 6h plus tard et elle precipite dans le train la quasi-totalite des voyageurs soudain excites, partis flaner aux alentours. Re-depart a 19h.

La nuit qui va suivre s'apparente a un combat de boxe avec ma couchette qui me balotte dans tous les sens a mesure que le convoi avale les kilometres de descente a un rythme effrene. A l'angoisse suscitee par le train lui-meme (va-t-il basculer de ses rails sous l'effet des suspensions trop sollicitees?), s'ajoute a present l'angoisse du frein, sera-t-il suffisant pour stopper ces tonnes de metal lancees a pleins poumons dans une degringolade nocturne (me revient en tete cette chanson de circonstance: Runaway train de Soul asylum. (le train fou))

Jour J+3: au programme aujourd'hui, la traversee de la reserve de chasse de Selous. J'ai apercu une girafe effrayee par notre vacarme, detalant en dodelinant du cou. Des zebres au loin, un hippopotame en plein bain de midi, des centaines d'antilopes et des milliers d'oiseaux.

Finalement, notre arrivee (notre voiture etait hors quai!) en gare de Dar mettra un terme a un parcours de 847 km realise en 40h ce qui nous fait une moyenne heroique de 22 km/h, tout a fait honorable puisque nous sommes arrives.

Karibu et Asante sana.
Bienvenue et merci beaucoup.

1 commentaire:

cathy a dit…

Ravie de constater que les grèves des cheminots ne concernent pas uniquement la France...