lundi 7 juillet 2014

Poesie de la grimace

En Afrique, les bus s'arretent plus souvent qu'ils ne roulent. Aussi la vie qui s'empare soudain des voyageurs dans un bus a l'arret contraste singulierement avec la lethargie de la route.

Depuis mon arrivee, je suis toujours intrigue par les quantites de nourriture qu'achetent les passagers a chaque halte. Du kilo de tomates a la poignee de cacahuetes en passant par la livre de poissons seches, tout s'acquiert (ce sont souvent des presents pour la famille que l'on part visiter) a travers les fenetres, ces guichets ephemeres haut perches ou les billets froisses voltigent de main en main.

Parfois, parmi les vendeurs se trouvent des enfants si jeunes que les adultes doivent les aider a tendre la marchandise a l'acheteur pris d'une faim de loup a la vue de ces samousas appetissants. Ces memes enfants gardent toujours un serieux flegmatique, signe de bons marchands. Mais la curiosite finit par s'emparer de leur esprit et je les surprends alors en train de me devisager.

Je souris. Ils sourient. Et aussitot je masque mon sourire en arborant un visage devenu soudain impassible. Il s'en trouve toujours un parmi eux qui pique au vif dans ce defi, tente de retrouver un visage serieux de meme. Il me renvoit alors le defi.

Autour de lui, les autres enfants s'interrogent sur ce blanc hurlu-berlu barbu au visage elastique car j'alterne le tout de grimaces dans l'espoir de destabiliser mon adversaire. En quelques secondes, tout disparait autour de nous, la foule, les bruits, la route. Ne reste que l'universel eclat de rire des enfants que nous sommes.