dimanche 24 février 2019

Le retour des oiseaux

#dalilautesor rétrospective, dernière!

Après m’être déplacé pendant onze mois, dormi dans 102 lieux et 9 pays différents,

Après que mon quotidien ait été tissé de bus, de taxis et de trains,
Après avoir fait l’expérience de saisir mon sac chaque matin, synonyme de départ définitif sans retour,

Après avoir quitté chaque jour mon lit et mes colocataires encore endormis, souriant aux ronflements de Guus, ce grand dadet hollandais, spécialiste de la prise de vue des condors d’Equateur mais lamentablement vulnérable aux cocktails multicolores,


Après avoir déambulé donc et ressenti le mouvement intensément jusqu’a l’ivresse, je me suis écroulé soudainement, à quelques pas de la plage.


Arrivé-là à l’arrière d’un Tuk-tuk que les tanzaniens appellent Bajaji, j’ai posé mes yeux et les valises au camping Mikadi qui allait être le théâtre d’une réclusion volontaire d’un mois entier.


J’ai pu observer la marée qui parfois, découvrait les fonds rocheux pleins d’oursins, tantôt baignait les couples complices et flirtant.

J’ai assisté chaque matin, très discrètement, à la courbe du soleil pâle qui venait poindre du fond de l'horizon dans une indifférence générale. mais cet événement était loué par des milliers d'oiseaux, quittant leurs îles pour voler au ras de la surface de l'océan comme de fins bateaux rapides glissant sur l'eau. Chaque matin.

Chaque matin, devant cette beauté, je pensais à toi et à notre amour qui est né un jour aussi, comme ça, discrètement dans une explosion de vie qui sait qu'elle renaît.

Chaque après-midi, j’étais encore face à ce soleil à cet instant où il devient plus chaud et plus affirmé. Un bel enfant prometteur.

Chaque soir, le muezzin m’appelait. Chaque soir les oiseaux rentraient en leurs îles, satisfaits de leur journée.


Chaque soir, je me préparais à quitter mon éveil et abandonner mon corps au matelas de sable. Chaque nuit avait déjà le goût du matin sans soleil. Un paradis aveugle où les senteurs remplacent les yeux inutiles.


Des étoiles, des vagues terriblement monotones, de l’écume des rêves et du sommeil enfin.

Cette retraite a eu un goût d’éternité.

La vue depuis ma chambre - Août 2014

Ma chambre pendant le mois d'août 2014

mercredi 13 février 2019

Qualia

Un voyage autour du monde en un an, c'est beaucoup de sensations.
Poursuivons cette rétrospective #dalilautresor4 par de petites touches.

Quelques pensées qui m'ont effleuré ou chamboulé.
Les voici brutes :

 
Les amis,

le boulot,
l'amour,
les amours, 
la famille, 
la maladie, 
l'avenir, 
le passé, 
les échecs, 
les réussites, 
ce qui m'appartient, 
ce qui ne m'appartient pas, 
l'inspiration,
le présent,
le sexe, 
la beauté, 
le sens de notre présence sur terre,  
quand l’œil a vu, 
le néant, 
quand l'humain a pris conscience de son existence, 
la peur, 
les grottes, 
le dessin, 
l'odeur humide, 
la bonté, 
la bonne humeur, 
la violence, 
les enfants, 
la religion, 
l'économie, 
le deuil, 
la tendresse, 
le café, 
le soleil, 
la vue, 
le train,
Thomas,
jouer de la batterie et sentir un nuage de rythme structuré par soi-même 
le stylo, 
l'écriture, 
l'imagination, 
se faire couper la parole, 
la transpiration,
voir la peur, 
sentir la mort, 
le souffle, 
le mal au ventre, 
le mal de dos, 
le mal de tête, 
la migraine, 
le silence des organes,
le désir, 
la difficulté, 
la frustration,
la sortie du tunnel, 
l'eau qui goutte, 
la poésie, 
un sourire,
le bruit des talons qui frappent le sol, s'approchant ; puis s'éloignant, 
le manque d'argent, 
l'euphorie, 
le Brésil, 
le rythme,
l'habitude,
la répétition,
la montagne,
6 étages,
les fleurs, 
les arbres, 
la forêt primaire, 
la danse,
danser sur la plage,
les amis,
exister dans une autre personne.


A présent que vous avez dévalé l'escalier à grandes enjambées, voici quelques autres  sensations :









mercredi 6 février 2019

Liberté

« Mon cœur se balade quelque part entre le Cap Vert, Brasilia et Tristan da Cunha. »




Poursuivons cette rétrospective #dalilautresor3 avec un texte un peu plus poétique qui interroge cette fois le retour plutôt que le départ.

« Je tape des pieds sur mon radeau, un rythme. Je trépigne. »



Bernard Moitessier, en pointant au cap Horn pour la dernière ligne droite vers sa très probable victoire en 1969 à la première solitaire autour du monde, décida finalement de poursuivre sa vie plutôt que sa course. Pour « sauver [son] âme ».




Il fila vers la Polynésie. Subitement et peut-être sans préméditation. Il s’est exclu de lui-même de la compétition. Un sabordage en bonne et due forme.

J’ai découvert cette histoire après être rentré de voyage.

Mon cœur se baladait encore entre Rodrigues, Te Anau et Yak Karkha. Et je me demande à présent ce que peut bien signifier une liberté amputée.




A quoi peut bien servir un voyage dont on revient? Une parenthèse fermée!
Ah ces noms étranges de lieux oubliés!

Où sont mes pas à présent que mon sillage ne clapote plus.

Oh éternel océan. De la rive du continent, tu brilles du soleil qui tonne.
Et pourtant, indifférent tu poursuis ton vacarme sans prêter attention à moi.


Devais-je fermer la parenthèse?
 

La laisser en suspens, c’était faire preuve d’une audacieuse liberté.

La liberté c’est aussi quand j’entends une personne chercher une date et qui commence lentement « c’était en 1980… » mon esprit divague entre 80 et 99, 20 ans de liberté en quelques instants...avant que la date ne tombe!

(Liberté, qui es-tu?



mercredi 30 janvier 2019

La route

Rien ne m'avait préparé à vivre une telle rencontre.

La journée avait commencé avec légèreté. J’entamais mon troisième jour au volant d’un camion que je devais convoyer au centre du pays. J'avalais les kilomètres. Le paysage évoluait lentement autour de moi. Des montagnes arides du sud, le rouge avait commencé à tout envahir. Ça et là des touffes de végétation, un ciel bas de coton. 

Et ce soleil tapageur, hurlant de blanc. Même le crépuscule ne parvenait presque plus à le calmer.
J’étais dans mon rêve, je baignais dans le rouge, tout était à moi.


Mais autre chose occupait mon esprit. Une idée qui ne me quittait jamais. Depuis mon arrivée en Australie, je ne pensais qu’à eux. Les aborigènes étaient l'air chaud de ce monde-là. Je les sentais, je les espérais ; mais aucun ne m'avait encore convoqué.


C’est au détour d’un virage que j’ai aperçu ses yeux minuscules enfoncés sous son chapeau de paille. Sa peau était luisante. J'ai observé son nez. Considérable de présence, l'homme était étrangement appuyé à une voiture qui avait l’air de n’avoir pas roulé depuis des mois. Une femme était à l’intérieur. Des milliers de mouches les harcelaient.

Échoués.

Freinage. Le camion arrêté, je somnole presque. Je suis hébété de tant d’attente. Ils sont là, ils semblent naufragés depuis des siècles. Ils m’attendent.



Quand je me suis approché du couple aborigène, je me suis soudain souvenu que je n’aurais jamais le temps de les conduire où ils voudraient sûrement aller, c’est à dire dans l’exacte direction opposée.

Je suis tellement contraint avec ce camion, je dois l'avoir amené à Alice Springs avant mercredi. Aucun retard dans le programme n’est possible. En plus, je n'ai pas le droit de rouler la nuit, ordre de l'assurance. 

Après quelques mots polis, je retourne dans le camion pour leur rapporter les cinq litres d’eau qu’il me reste. Ils sont heureux. Je les salue un peu honteux. Et m’enfuis.



Cinq ans après, la sensation de les avoir abandonnés me consume encore.

Quand je suis repassé 3 semaines plus tard dans le sens inverse, je les ai cherché pendant les six jours de mon trajet retour. 

Pas de trace.
Perdus à jamais.

mardi 22 janvier 2019

"Le silence des grands espaces m'effraie...

[...] La seule chose que l'on puisse lui opposer, c'est la poésie. "
Alexandre Astier citant Blaise Pascal.

Personnellement, je rajouterais volontiers le voyage aux choses que l'on pourrait opposer au silence des grands espaces qui m'effraie !
















Le voyage pour découvrir qui l’on est.
Pour explorer les nombreuses chambres de cet univers infini et sans âge.


Bref. Démarrons cette rétrospective #dalilautresor!
Il y sera question de solitude, d'étrange et d'étranger.


La toute première photo de mon voyage autour du monde :
















Le regard est apeuré, timide.
Mon amour vient de me lâcher la main. Je démarre seul un projet qui m'a pris du temps à monter et qui commence soudain à se dérouler. Je m'observe en train de passer le seuil et je l'immortalise.

À ce moment précis, je me disais que je n’avais absolument aucune idée de la galère dans laquelle je m’embarquais.

Il y a avait un peu d’audace dans cette décision de partir. Un peu de ce « et merde » qu’on adresse à l’adversité : Quelles qu’en soient les conséquences.
Je m’en vais. Je verrais bien.

















Mais au fond, pourquoi je ressentais cette peur? Et de quelle nature était-elle?

Mon premier voyage en solo, complètement solo, rien que moi-même, mon cerveau et mes yeux, c'était en 2008 au Chili. Le premier jour, ma dépendance à mon entourage était telle, qu'elle me poussait à chaque instant à vouloir rentrer.

J'ai petit à petit apprivoisé ce sentiment en découvrant la liberté vertigineuse que m'apportait le voyage. Depuis ce moment de cette pleine conscience, je n'ai plus jamais ressenti la panique de la solitude dépendante.

C'est précisément quand j'ai évacué cette solitude dépendante que j'ai pu observer la vraie nature de ma peur à l'étranger. En vérité, dès que j'arrive dans un nouveau pays, j'aimerais que le monde ralentisse pour me laisser le temps de m'acclimater.

Mais ce n'est pas possible. C’est à moi d’accélérer et de me lancer sans filet dans le bouillon de culture inconnue qui me terrasse de peur.

Les premières heures, mes yeux sont exorbités, ma respiration saccadée. Chaque signe perçu par mes sens m'invite à chercher un point d'ancrage dans le réel qui me fait face.
Le sentiment de solitude est très proche de cette sensation d'étrange et d'étranger.

J'observe les habitués, ceux qui vivent ici depuis longtemps. Ceux qui sont si sereins qu'ils semblent dormir. Ils sont guidés par une force faible qui n'a même pas besoin de leur souffler leurs actions. Ils marchent sur le tapis roulant de leur quotidien.

Et moi, je suis là. Je repère, analyse tout y compris leurs gestes inutiles, sans but. Je suis saturé de sensations que seul le temps réussira à organiser. Ce sont souvent ces souvenirs majeurs qu'on retient, les fameuses graines qui finissent par germer...

Quand j'arrive dans un pays étranger, j'aimerais qu'une personne fasse attention à moi, qu'elle repère ma détresse. Qu'elle prenne ma main et qu'elle m'invite à discuter de tout et de rien ; j’aimerais qu’elle me fasse entrer dans ce réel d'une jolie manière, d'un geste doux et affectueux.

Parfois, cela se produit. Une vieille personne me sourit en pensant que je fais preuve de courage et d'abnégation - peut-être. Que loin de chez moi, je tente de vivre malgré l'adversité et la solitude.
















Ce qui aiguise le plus ma détresse est le fait que, dans une rue inconnue d'un pays étranger, je me vois comme devant un train qui va très vite, que je dois néanmoins prendre. Je ne dois pas juste le prendre et m'installer confortablement. Ce train, je dois le reprendre à chaque instant. 

A mesure que j'acquiers de l'aisance, les espaces de temps entre deux montées périlleuses deviennent de plus en plus longs. Si bien que l’illusion d'être un autochtone finit par m'envahir.

Quand le sentiment d'étrange disparaît, la solitude reste mais elle change de nature.

En général, on arrive dans un pays dans un grand aéroport, dans une grande ville. Si je tente par exemple, pour en saisir le rythme, de m'assoir pour observer ce qui se passe ici, cela ne m'aide pas. Au contraire, je désapprends le peu que j'ai déjà compris grâce à mon intuition. Non, il ne faut pas s'arrêter et observer, il faut courir de toutes ses forces sans jamais regarder en arrière.

C'est ainsi que lorsque je fus contraint de rester plus d'un mois le résident d'un camping sur une plage de rêve en Tanzanie, j'ai du apprendre un autre type de voyage. Mais j'y reviendrai sûrement lors de l'épisode 2 de la rétrospective #dalilautresor.

" La solitude est une manière de se prendre en otage. "
Albert Brie

samedi 27 décembre 2014

Bande-Annonce



Voici  l'attiseur, la bande-annonce du film de mon périple, bientôt disponible...
Restez connectés!

Here is the teaser, the trailer of the upcoming movie of my trip...
Stay tuned!