vendredi 9 mai 2014

Un dimanche a Plaisance*

La famille s'agite soudain car il est l'heure. L'heure de tout empaqueter pour un pique-nique particulier. Apres un court trajet au milieu des champs de canne, ils gareront leur voiture pres de la cloture aux fils emberlificotes et barbeles, ils puiseront dans la glaciere de quoi etancher une soif tenace et combler une faim de loup en guettant de leurs yeux ronds d'enfants les lumieres clignotantes du mastodonte qui, bonhomme, se dirige lentement vers eux. Ils imagineront les voyageurs, la tete appuyee sur les fauteuils de premiere classe bien trop larges, un verre de champagne a la main. Ils se verront heler l'hotesse souriante pour qu'elles leur montre ses dents de plus pres et par la meme occasion, qu'ils precisent bien qu'ils ont commande un repas "muslim" et non "vegetarien". Ils gouteront au plaisir intense de basculer le siege entoure d'un paravent dans une position nocturne, pour le plaisir, juste pour piquer un petit som' avant le diner copieux, servi avec de lourds couverts graves de la griffe de la compagnie, couverts qu'ils seraient tentes de piquer pour les montrer a la famille afin d'immortaliser a jamais ce souvenir, ce voyage que Richikeche et Farida ont fait fait pour leur voyage de noces il y a deja 15 ans...

Depuis qu'un drole d'oiseau pas du tout endemique de Maurice atterrit chaque jour sur l'ile, ils sont des dizaines a se presser ainsi, pare-choc contre pneus de velos pour venir admirer un objet fascinant decoller dans des vibrations sismiques et bruyantes!

Et oui, Emirates, la compagnie qui floque les maillots de milliardaires en short tapant dans une balle de cuir cousus par de petits chinois et recompenses a gros coups de petro-dollars visqueux et collants a la poche (les joueurs, pas les petits travailleurs des sous-pentes cantonaises, entasses par milliers dans un silence occidental honteux mais assourdissant de machines-outils huileuses), Emirates donc fait voler des Airbus 380, dernier ne d'un catalogue industriel qui fait le bonheur des Europeens et le malheur des dirigeants de Boeing!
On a les fiertes qu'on peut.

Et ces A380 volent jusqu'a Maurice et attirent des foules certes clairesemees - diantre, c'est pas Johnny - mais tout de meme, chaque jour, des colonnes de voitures sont garees sur le bas-cote d'une route ou il est strictement interdit de stationner, voire de s'arreter.
Tels des fans de Justin Bieber, encore aveugles par le talent de l'ex-bebe-chanteur, la foule s'agglutine au portail dans l'espoir de profiter un peu de ce reve, de cet envol feerique d'un tapis volant hors de prix.

L'avion decollera, la piste retrouvera son silence vente et puis les voitures repartiront les unes a la suite des autres dans une nostalgie de fin de vacances quand les cousins s'en vont alors qu'on a passe un ete ensemble a vivre une eternite ephemere.



* reference a la chanson de Gilbert Becaud - Un dimanche a Orly

1 commentaire:

Unknown a dit…

Comme quoi même en vivant au milieu d'un paysage paradisiaque, on peut apercevoir des animaux au sublime plumage, et se pâmer devant une carcasse de fer qui vole....
L'être humain est insassiable..ou blasé, peut être...

bisous et à bientôt