mercredi 27 août 2014

Visages de l'autre, passeport pour un monde interieur

Et voilà, déjà fin août...je glisse lentement et mentalement vers le retour. Hier encore, je revois en mémoire cette aveuglante lumière à l'aéroport de San José au Costa Rica et les premières pensées qui me submergent: "c'est parti. Tu y es. Le lancement du voyage est officiel etc." Une foultitude de détails qui me prouvent que je suis très vite rentré dans cette aventure comme dirait un candidat de la télé-réalité.

Il y a un peu de cela lorsqu'on se propose de parcourir le monde. Une plongée dans un huis-clos intime, observé par de multiples caméras intérieures et commenté en temps réel par mon double, ce moi que j'ai retrouvé dès le premier jour et qui ne m'a pas quitté. Loin de la schizophrénie, je pense qu'il s'agit d'un dialogue fécond. J'ai n'ai finalement que très peu ressenti cette angoisse de la solitude. Voire jamais. Les rares moments de mal-être l'ont été pour de bien plus romantiques raisons...un seul être vous manque et la planète surpeuplée devient un désert repoussant inhabité d'êtres insignifiants et d'un froid sibérien.

Mais les rencontres, multiples, ont jalonné ce parcours très dense et léger à la fois. On n'est jamais seul quand on voyage seul...ni intérieurement ni dans son rapport aux autres. J'ai été tant de fois happé, sollicité, travaillé, submergé, amusé, instruit, bouleversé: c'est le devisement du monde...

Quelques statistiques pour prendre la mesure:

10 mois de voyage avec 9 pays visités parmi 4 régions mondiales: l'Amérique, l'Océanie, l'océan indien et enfin, terre de tous les mystères, là où l'homme s'est redressé pour entreprendre le premier voyage qui l'a conduit aux confins de notre belle planète, cette terre rouge aux ciels multicolores, ce continent de tous les superlatifs, j'ai nommé, l'Afrique!

Je crois qu'il était sage de finir par l'Afrique tant le choc, même pour un voyageur aguerri est brutal les premières heures sur ce continent mosaïque. Évidement, il est toujours possible de voyager "all inclusive" en se remettant aux bons soins des agences qui vendent les trésors de l'Afrique noire au prix fort. Mais ce n'est pas ma conception de la rencontre avec un pays, une région et ses habitants. Une seule image: celle de ces femmes qui, à quelques centaines de mètres de quelque capitale, la démarche saturée d'efforts, portent encore et toujours des sceaux en guise d'approvisionnement en eau potable. L'envie vous délaisse tout à fait de gaspiller cette ressource précieuse pour des millions de personnes encore confinés dans une réelle lutte quotidienne pour simplement manger et boire.

J'ai dormi dans 104 lieux différents. Parfois très difficilement comme dans ce bus entre Adelaïde et Melbourne en Australie. Parfois comme un bébé à l'hôtel de Zarcero au Costa Rica dans un silence et une obscurités absolus. J'ai dormi dans un aéroport de la Nouvelle-Zélande sous la férule d'un garde armé de sa condescendance et à même le sol, parqués avec mes compagnons d'infortune dans une pièce à l'abri des regards outrés. J'ai dormi dans pas mal de campings, quelques refuges de montagnes, beaucoup, beaucoup d'auberges pour baroudeurs où j'ai rencontré le pire et le meilleur de ce qui peut être appelé un voyageur du 21ème siècle. J'ai reçu quelques leçons de vie comme lors de cette discussion mémorable avec un jeune espagnol de 23 ans qui parcourait la planète à l'aide d'un petit sac et d'une tente. Ou celle de Jörg, un autrichien quadragénaire qui ayant parcouru l'Afrique, m'a expliqué à quel point il est difficile de changer les habitudes des africains, qu'il est impossible de leur poser une question frontale, qu'il faut plus faire comprendre que déclarer, qu'il nous faut déployer des trésors de patience et d'énergie, nous les voyageurs blancs (appelés partout "mzungus") pour obtenir ce que nous voulons et qui est à des années lumières de leurs préoccupations. Mais je dois souligner que malgré ce que je viens d'écrire plus haut, tout est possible en Afrique. Absolument tout. C'est seulement une question de patience. J'ai aussi croisé quelques personnes sages et éclairées qui m'ont, en miroir, donné une belle image de moi-même et du voyage que j'accomplissais.

A l'heure du bilan et à ma grande surprise, je n'ai pas emprunté beaucoup de modes de transport différents ou exotiques. L'Avion évidemment; le bateau (très rapide ou très lent); la voiture, ce qui m'a permis de rouler à gauche pour la première fois de ma vie non sans une petite appréhension; un court trajet en moto sur l'île Rodrigues; le bus bien entendu, dans toutes ses déclinaisons, depuis le car flambant neuf à la moquette duveteuse jusqu'au tacot pourri et tombant en ruine, laissant pénétrer les effluves d'échappement du moteur, voire par forte pluie, faisant pleuvoir sur nos sièges une eau divine! Je dois signaler tout de même que je me suis propulsé à 13 reprises en mode totalement silencieux et absolument neutre pour la planète, à l'aide de palmes et sous l'eau dans l'océan pacifique et indien. Et enfin le train et le tramway qui fidèles à leur réputation, offrent le plus beau des cheminements, lent et maternant dans ses bercements, conditions nécessaires pour une réelle pénétration par les lieux...

J'ai honte de l'avouer mais l'empreinte carbone de mon voyage est un gouffre! Je devrai replanter la moitié de l'Amazonie si je dois expier tous mes péchés énergétiques. C'est peut être le seul regret, de n'avoir pas imaginé un circuit plus économe. La prochaine fois pour un tour du monde à la voile peut être...si d'ici là j'acquiers la voile et le talent de la manier ce qui fait déjà deux défis colossaux.

Je ne mesure pas encore tout à fait l'impact de cette longue échappée loin de mon quotidien. A peine les premiers souvenirs significatifs commencent à émerger. En effet, parmi la vase de la mémoire où se sédimentent les journées les unes sur les autres, parfois surgit un souvenir, comme un arbuste timide émergeant au matin sur une terre encore fraîche, ce souvenir qui m'aura définitivement changé: un expresso à Quito, un tortue marine au panama, une rivière limpide au Malawi, une couleur émouvante de ciel en Australie ou un regard fugace, une brève rencontre du visage de l'autre.

Lorsque je voyage, ma vie semble être entre parenthèses, mais là, ce sont ces 10 mois qui s'apprêtent à se transformer en rêve, en songe, dans un passé qui n'existe déjà plus que dans ma mémoire, après avoir sculpté chaque pensée de ma réalité présente. Décidément, le rapport au temps, notre temps d'humain, est une idée impénétrable.

vendredi 15 août 2014

Frénésies urbaines et belles paroles

Lorsque j'arrive a Dar Es Salaam, encore tout empli de la vie calme et douce du train qui m'a transporté trois jours durant, rien ne me prépare aux frénésies urbaines de cette satanée citée. Des embouteillages monstres, de la poussière omniprésente et le bruit pour seule musique...

Pourtant, je flâne, je tente d'apprivoiser ma peur et me jette dans la fournaise. Je vis à la Tanzanienne en marchant sans but, mangeant aux étals de rue, je sacrifie même à la modernité quelques shillings en vue d'acquérir une carte SIM locale, sésame pour des communications peu onéreuses car la minute parlée à partir de la carte SIM française me coûte tout de même plus de 2€...

Me voici donc installé sur un banc branlant entre une table surmontée d'un parasol aux couleurs d'une compagnie de télécommunications quelconque et l'étal d'un cireur de chaussures le tout sur les bords d'un rond-point, carrousel hurlant de mille voitures à la minute.

Pendant que mon fournisseur active ma carte en passant quelques coups de fil, j'entends sur ma droite un homme m'interpeller. Il est en costume et vient de s'installer discrètement chez le cireur pour que ce dernier retire la poussière de ses chaussures et en profite pour fixer à la semelle un anti-dérapant. Il pose délicatement ses pieds en chaussettes sur des mules placées là par le professionnel pour ne pas se salir.

La conversation s'engage. Je me présente. Lui de même. Il me confie qu'il travaille dans le cabinet du président de la république et qu'il profite de ce temps de pause pour se détendre et joindre l'utile à l'agréable. Nous échangeons nos numéros. Premier contact du répertoire tanzanien tout nouveau! Il me propose d'ailleurs d'aller chercher ensemble Emilie le surlendemain. Je n'aurais qu'à l'appeler!

L'après-midi se passe sans histoires. Les moustiques ne sont pas encore là, j'en profite pour aller boire un verre à la terrasse d'un hôtel de chaîne qui facture ses nuit plus de 10 fois ce que j'ai payé pour mon hébergement. Certes sommaire, le YMCA tout proche offre l'avantage de prix modiques (j'évite le dortoir sur les conseils d'une chinoise avisée qui me racontera en dix minutes trois fois son histoire de punaises dans le matelas...)

Le personnel est toutefois exécrable et les repas insipides. Le guide Michelin n'en fera pas sa révélation de l'année!

Bref, me voici attablé sur la terrasse du palace pour hommes d'affaires transpirants et touristes bedonnants, sirotant une bière face (quelques immeubles nous séparent mais l'idée est là) au couchant. La serveuse a même l'élégance de me souhaiter la bienvenue.

Lorsqu'arrive un vieux monsieur, il fait déjà sombre et toutes les tables sont prises. Aussi me demande-t-il courtoisement de s'installer à mes côtes. Ce que j'accepte volontiers. La conversation s'engage. Je me présente. Lui de même.

Je lui confie que j'aimerais trouver un hébergement correct et peu cher car mon épouse (j'ai pris l'habitude de dire mon épouse car les hôtels de Tanzanie réclament un certificat de mariage pour qu'un couple de sexes opposés puisse partager la même chambre) arrive dans 36h (enfin!) et je souhaite qu'elle ne soit pas confrontée aux sourires constipés du personnel du YMCA.

Il active aussitôt son réseau dont la pièce maîtresse est son épouse. Il me précise quelques adresses où je pourrais me présenter de sa part. Il me dit enfin que si vraiment cela s'avère compliqué, je pourrais toujours l'appeler et il avisera un ami qui tient des hôtels, ce dernier pourra toujours m'aider. Ce soir il a bien tenté de joindre cet ami mais ce fut son chauffeur qui répondit. 

- mais c'est dangereux de ne pas être joignable ainsi. Il pourrait rater des affaires!
- il est peut être aux toilettes?!

Avant de partir, je vais régler discrètement la note pour nous deux, le vieil homme s'est dépensé sans compter, je trouve que c'est élégant de le remercier ainsi, sans dire un mot.

Le jour suivant, j'échafaude un plan sans failles consistant à récupérer Émilie, mon épouse à l'aéroport après son arrivée vers 11h puis nous filerons à la vitesse d'un taxi embourbé dans les embouteillages vers le terminal du ferry où nous appareillerons pour Zanzibar, l'île mythique.

Il y avait une faille. Émilie n'arrivera finalement que vers 23h, retardée par des problèmes de correspondances d'avions bataves. Foin. J'ai donc besoin d'une chambre. Je me résous à utiliser un joker en appelant mon ami fournisseur officiel d'hôtel en l'avisant que je vais avoir besoin de ses services.

- très bien, je suis là demain matin à 9h30, nous irons ensemble à la recherche de ce dont tu as besoin.
Et j'en profite pour décliner les services de mon autre ami, celui aux chaussures cirées et anti-dérapantes.

Le lendemain, à l'heure dite, j'embarque dans la voiture de mon nouvel ami qui m'indique que nous allons (conduits pas son chauffeur!) rendre visite à son ami hôtelier. Vive l'amitié.

En effet, nous roulons quelques minutes en direction du quartier riche de Dar Es Salaam  où nous pénétrons à travers un haut portail dans une demeure. Sont stationnées quelques voitures. Je descends, contourne la villa pour faire face au soleil et à la baie de Dar en marchant sous les palmiers d'un jardin luxuriant.

L'homme est assis dos à la mer. Il est volumineux et à contre-jour, je ne distingue que son cou de taureau. Assez nerveux, il tapote la table du jardin de ses doigts boudinés. Quelques hommes l'entourent, assis et silencieux. A notre arrivée, ceux-ci s'éclipsent. Il donnera toutefois encore quelques instructions illustrées de quelques billets qu'il prélève d'une liasse dodue sortie de sa poche.

Mon ami me présente. Il dit que je suis français, touriste et ingénieur. A la citation de ces trois qualités, notre hôte sourit et entreprend de me raconter les quelques affaires en cours avec les français qui d'après lui travaillent bien. Je commence à comprendre que la personne que j'ai face à moi est un homme d'affaires très puissant.

Il répond à son téléphone doré après que son aide a décroché plusieurs fois en quelques minutes. Mais il n'est jamais désagréable ou cassant. Il sourit et parle avec calme...
Il me propose plusieurs fois de venir m'essayer au business en Tanzanie car "il y'a vraiment, vraiment beaucoup d'argent à se faire". 

Puis mon ami lui explique que je suis à la recherche d'un hôtel. Il m'interroge alors sur mes préférences. Serais-je plus détendu en ville, près de l'aéroport pour attendre "votre épouse!", ou peut être près de la mer.

- vous savez, je suis un voyageur en sac-à-dos, à ce titre, je ne peux me permette de loger dans des lieux trop dispendieux. Je cherche quelques chose de pas trop cher...

- mais qui vous parle d'argent?

Cette question me désarçonne et finit de me faire comprendre ce qui se trame. Cet homme a dans l'idée de me loger gracieusement, aux frais de la princesse?

- et combien de nuits?

Pris au jeu, je dis deux. L'homme griffonne un papier. Le plie en quatre et me le confie d'un air assuré. Je me dis "Ceci est ton sésame mon enfant, ne le perd pas".

Nous prenons congé et partons pour m'installer dans cet hôtel mystérieux. Nous entrons dans le quartier des ambassades où les belles maisons se succèdent à un rythme lent au vu de la taille des propriétés! 

Nous arrivons au Golden Tulip.
D'abord, le hall est immensément lumineux, la lumière du dehors y pénètre de toutes parts. La décoration, arabo-indienne est de bon goût. Une piscine trône face à l'océan, des escaliers monumentaux relient le hall aux chambres... Un air de Titanic à l'indienne se dégage de cet édifice. Les violons en moins. Et quel futur accueil pour Émilie!

Lorsque je tends le petit papier (en disant "sésame ouvre toi" mentalement) à la demoiselle de la réception, elle l'accepte et je suis même surpris qu'elle me tende après quelques instants la clé magnétique en arborant un sourire radieux. C'était donc vrai!

Mon ami aura ces mots magnifiques: "ce que tu donnes à l'un, c'est un autre qui te le rendra".

vendredi 1 août 2014

13ème album

Parc Tarangire, Tanzanie - 28/07/2014

Parc Tarangire, Tanzanie - 28/07/2014


Parc Tarangire, Tanzanie - 28/07/2014

Parc Tarangire, Tanzanie - 28/07/2014

Parc Tarangire, Tanzanie - 28/07/2014

Parc Tarangire, Tanzanie - 28/07/2014


Parc Tarangire, Tanzanie,  28/07/2014

Parc Tarangire, Tanzanie - 28/07/2014

Parc Tarangire, Tanzanie - 28/07/2014

Parc Tangarire, Tanzanie - 28/07/2014
Parc Tangarire, Tanzanie - 28/07/2014

Irente, Tanzanie - 31/07/2014


Irente, Tanzanie - 31/07/2014

Irente, Tanzanie - 31/07/2014