mercredi 23 avril 2014

Mahebourg, Maurice - Ocean indien

Aspire par une torpeur toute creole, je suis a Mahebourg (du nom de Bertrand-Francois Mahe, duc de La Bourdonnais, ancien gouverneur des Mascareignes, territoire qui englobait l'Isle de France, c'est a dire Maurice) depuis quelques jours.

Plonge dans cette douceur insulaire, ce matin je me dis soudain "mais enfin mon garcon, voici deja longtemps que tu n'as rien raconte de tes aventures aux amis qui te lisent sur ton blog". Mais d'aventures, il n'y en eu point depuis ce trajet qui m'a conduit depuis l'Australie jusqu'a l'ile Maurice via l'Afrique du sud et Singapore.

Un trajet de 48h assurement epique puisque j'ai du, en compagnie des 300 passagers du vol Singapore - Johannesburg qui m'accompagnaient faire demi-tour au dessus de l'ocean indien pour des raisons de fuite de carburant. Tout est ensuite rentre dans l'ordre apres que nous ayons embarque dans un nouvel appareil qui lui nous a mene a bon port.

Mais depuis que j'ai foule le sol Mauricien un certain apres-midi chaud et humide, je n'ai plus ressenti que la legere brise du passage du temps au ralenti, rythme par mes escapades en bus public a Blue-Bay, plage du lagon du sud de l'ile:

Je me dirige vers le terminal sous le soleil de midi, je grimpe dans un vieux bus (Sam ou Spiderman) aux bancs durs et droits. Le moteur est encore eteint et le chauffeur indolent est affale a l'ombre et discute. Enfin le bus s'ebroue et roule au ralenti dans l'espoir de recruter de nouveaux clients retardataires, je paye mon passage en tendant mon billet de 25 roupies sans preter un regard au receveur, a la mode Mauricienne. Je m'agrippe, je sens les odeurs de fritures qui envahissent le vehicule au passage des echopes du centre-ville, je distingue les verts et bleus du lagon, j'observe les maisons des riches residents de la point d'Esny qui entretiennent leur jardin vert et ombrage sous le regard des locaux qui arpentent la route en se protegeant du soleil grace a leurs parapluies multicolores. J'arrive enfin, je longe la plage sous les arbres en refusant plusieurs propositions de taxi ou de ballade en bateau et me voila face aux deferlantes furieuses qui percutent le bord du lagon, loin de 300 m, sans relache dans un bruit de tonnerre assourdi.

Mahebourg, Le Bouchon, Curepipe, Quatres-Bornes, Riviere-aux-Creoles, Le Souffleur, Riviere noire, je suis plonge dans un monde aux noms qui me font rever. Et sur une ile posee sur l'ocean indien, il n'y a aucun doute a ce sujet. L'influence de l'Inde est omnipresente, tout comme celui de la France, plus discrete. Les visages croises sont d'une diversite et d'une beaute incroyable. 
Douze religions se cotoient ici. Portees par les coeurs, elles projettent parfois au loin grace au minaret qui diffuse les appels a la prirere du Muezzin musulman des 5 du matin.

Enfin, j'avoue que je souris toujours lorsque j'entends une personne a l'apparence d'un parfait indien parler un creole aux sonorites exotiques et musicales. Mais je me pose toutefois une question: pour quelle raison parle-t-on creole (certes different) aux Antilles (Guadeloupe, Martinique etc.) et dans l'ocean indien (Maurice, Reunion etc.), pourtant eloignes de plusieurs milliers de km? Sont-ce les memes populations ayant subi l'influence de la colonisation Francaise mais deplacees ulterieurement?


lundi 14 avril 2014

Une histoire consistante de Griffiths

Face au soleil deja ardent, je sens mon visage envahi d'une douce chaleur. Toutefois, une legere brise parcourt les nuques de celles et ceux, assis comme moi sur ce banc metallique et froid. Chacun de nous percoit grace a ses sens une realite diverse. Peut-on d'ailleurs parler de realite?
Le monde n'existe que parce que les humains en ont une conscience plus ou moins aigue. Et ceci est valable a Melbourne ou au pied du mond Sharp, sur Mars a travers les optiques de Curiosity, oeil domotique ultrasensible a travers lequel plusieurs centaines de personnes, dans un laboratoire aux Etats-Unis, a Toulouse ou Paris ne percoivent toujours pas une verite unique.





 "Les histoires consistantes de Griffiths ont ete introduites en 1984 pour relier les mesures quantiques dans des narrations vraisemblables. Une histoire de Griffiths est construite a partir d'une suite de mesures plus ou moins quelconques ayant lieu a des instants differents. Chaque mesure exprime le fait qu'une certaine quantite physique, eventuellement differente d'une mesure a l'autre, est comprise, a un instant donne, dans un certain domaine de valeurs. Par exemple, au temps t1, un electron a une certaine vitesse, determinee avec une approximation dependant du mode de mesure; au temps t2, il est situe dans un certain domaine de l'espace; au temps t3, il a une certaine valeur de spin. A partird'un sous-ensemble de mesures, on peut definir une histoire, logiquement consistante, dont on ne peut cependant pas dire qu'elle soit vraie; elle peut simplement etre soutenue sans contradiction. Parmi les histoires du monde possibles dans un cadre experimental donne, certaines peuvent etre reecrites sous la forme normalisee de Griffiths; elles sont alors appeles histoires consistantes de Griffiths, et tout se passe comme si le monde etait compose d'objets separes, dotes de proprietes intrinseques et stables. Cependant, le nombre d'histoires consistantes de Griffiths pouvant etre reecrites a partir d'une serie de mesures est en general sensiblement superieur a un. Tu as une conscience de ton moi; cette conscience te permet de poser une hypothese: l'histoire que tu es en a meme de reconstituer a partir de tes propres souvenirs est une histoire consistante, justifiable dans le principe d'une narration univoque. En tant qu'individu isole, perseverant dans l'existence un certain laps de temps, soumis a une ontologie d'objets et de proprietes, tu n'as aucun doute sur ce point: on doit necessairement pouvoir t'associer une histoire consitante de Griffiths. Cette hypothese a priori, tu la fais pour le domaine de la vie reelle; tu ne la fais pas pour le domaine du reve."

Les particules elementaires - Michel Houellebecq.

mercredi 2 avril 2014

Chroniques des journees de braise

Lointaine et tendre reference a ce film algerien de Mohamed Lakhdar-Hamina (Chroniques Des Annees De Braise) qui obtint la palme d'or en 1975, objet d'un culte assez discret comme Le Message, monument cinematographique des annees 70. Ces deux films, pour des raisons differentes ont habite mon enfance. Bref je m'egare.

Essayez de vous souvenir de la journee la plus chaude que vous ayez vecu dans votre vie. 

Vous y etes? 
Bien...ajoutez 10 degres. 

A present, imaginez qu'un four a pain allume a pleine puissance vous suive, vous precede ou vous accompagne au gre du vent, la porte ouverte. Par ailleurs, et malgre le chapeau neuf a larges bords qui ceint votre tete et qui vous donne un air morne de Crocodile Dundee de club mediterranee, le ciel vous ecrase de sa lumiere puissante. Vous tentez de respirer sans ouvrir la bouche afin d'eviter d'assecher votre gosier. Vous buvez tant et plus mais sans succes, la deshydratation guette des 10h du matin, prete a vous jeter sous l'ombre de n'importe quel arbuste pourvu que lui, la-haut, ce phare degoulinant de gouttes de metal hurlant arrete son spectacle de son et lumiere.

Depuis 9h deja, une horde de mouches vous suit, tranquillement occupees a tenter l'entree dans votre corps par tous les trous accessibles: les naseaux, les yeux (petite preference puisqu'un peu humides) et les oreilles. Elles ne tenteront rien d'autre si vous ne tentez pas vous-meme le nudisme. Vous avez trouve la parade en imitant les touristes que vous avez croise au rocher Uluru, arborant une moustiquaire couvrant la tete. Vous ressemblez a un apiculteur qui fuit ses abeilles en greve, furieuses et en lutte contre le boss qui vraiment, en demande trop par cette chaleur.

Ces mouches, finalement lassees par les tentatives infructueuses de penetrer dans votre intimite se rabattent sur un plaisir tres courru chez la drosophile australienne: la ballade agrippee au sac-a-dos face au soleil, se nettoyant les pates avec indolence et circonspection...Je peux me targuer d'avoir transporte en plus de mes 24 kg sur le dos, 2 g de mouches a raison de 0.02 g l'individu.

Alors pour eviter la chaleur et les mouches, vous decidez de partir la nuit, avant l'aube, a l'heure fraiche ou un semblant de paradis semble vous envahir de ses douces vibrations. Vous marchez alors a l'aide d'une frontale, parcourant le chemin et ses alentours de votre petit faisceau afin de ne pas rater le sentier tenu qui fraye a travers les herbes hautes mais vous ratez le paysage evidemment et vous vous consolez en savourant le calme de la nuit avant la tempete de chaleur digne d'une ferronnerie ...Parfois, vous entendez des hurlements de loups (les dingos) troubler votre meditation. Ou une respiration lourde et saccadee (je ne sais toujours pas ce que j'ai croise ce matin la...). 

Puis soudain, le ciel s'allume. De magnifiques couleurs envahissent le dome obscur qui petit a petit devient flamboyant, tachant de larges trainees de rouge et jaune les canyons qui vous entourent. Vous eteignez votre frontale, vous observez, vous essayez de comprendre comment une telle elegance peut se transformer en un enfer si puissant a peine 2 heures plus tard.

Et puis vous arrivez au but de votre parcours journalier vers 10h et commence alors la longue attente ponctuee de gestes brusques pour eloigner les mouches de vos bras, pieds, coudes, cou. Vous ne pouvez manger sans risquer d'agrementer votre repas de morceaux de choix d'une mouche ou deux. Vous vous refugiez alors dans les toilettes ou le semblant de calme ne durera que quelques minutes, le temps pour vos compagnes qui ont decide de ne pas vous lacher, de retrouver la trace de votre visage qu'ellent veulent effleurer et carresser intensemment. La sieste vous sera interdite egalement malgre une chaleur engoudrissante.

Finalement, vous ne reviendrez a la vie qu'a l'heure du coucher du soleil c'est a dire 18h56 precises. D'un coup, toutes ces mouches ingrates vous lachent et vous jettent dans un silence soudain, baigne d'obscurite. Peut alors commencer votre journee qui ne va durer qu'une heure, le temps de manger, faire votre toilette et vous endormir sous les etoiles.


Trek Larapinta depuis Alice Springs - Australie: 29/03 au 01/04/2014